Le matin froid de décembre à Lviv… Sachant déjà que les embouteillages à Lviv sont plus sévères qu'à Kyiv, je mets un voyage vers Kyiv à six heures du matin. Un passager annule le voyage et l'autre (qui a réservé 2 places) - ne répond pas à mes appels. C'est pourquoi, je comprends déjà qu'il vaut mieux mettre le mode de confirmation - je ne l’aurais pas confirmé, car il n'y avait pas de photo dans son profil, mais il reste peu de temps avant le départ - donc, si on peut dire, j'ai pris un risque. Lorsqu'il y a déjà des passagers (même s'il s'agit de “faux” passagers), on ne peut plus modifier l'heure, ni les détails du voyage. C'est pourquoi je pars, mais le premier passager m’appelle quand je sortais de Lviv et il me demande si je suis parti.
Je m'arrête à OKKO sur 292, rue Bogdan Khmelnytskyi. Je réfléchis - il me faut 20 minutes pour aller jusqu'à la gare. Non, je n'irai pas. Cela fait 20 minutes pour y aller, mais pour le retour il y aura peut-être déjà un trafic plus intense sur l’autoroute… En plus, je ne peux pas faire confiance à ce passager, où est la garantie que ses projets ne changeront plus. Alors je lui dis que j'attends ici, s’il a la possibilité de venir, alors nous irons à Kyiv. Il n'a pas pu longtemps prendre un taxi, alors je lui ai conseillé la compagnie Uklon. Comme je l'ai appris plus tard, ce voyage lui avait coûté 190 hryvnias. Eh bien, moi, au début je suis parti de la rue Horodotska, donc, s'il avait décidé immédiatement, je n'aurais eu aucun problème pour aller le chercher à la gare qui était à proximité. C'est vrai, une petite nuance, peut-être quelqu'un voyageant par Blablacar en aura besoin.
- Eh bien, c’est toi, me dit-il déjà en route (il parle russe), en observant mon profil sur Blablacar, - alors, tu écoutes la musique française, tu connais l’allemand, c'est ce que j'ai besoin d'apprendre, je viens de revenir de là-bas.
Du coup, je me rappelle que j'ai indiqué la liste des langues parlées dans le profil - car j'avais prévu d'utiliser Blablacar à l'étranger. Cette fois j'ai décidé qu'il était temps. Parce qu'il n'y a jamais de moment optimal - et je pensais aller en Italie. Mais déjà près de Lviv, une passagère m'a dit que l'Italie était fermée. J'ai vérifié - c’était la vérité. C'est pourquoi - une autre fois, en plus, je ne suis pas resté à Lviv.
Artem revenait de Pologne, là-bas il travaillait comme conducteur routier. D'abord on parle précisément de voyages, il raconte sur les villes qu'il a visitées en Europe.
- J’ai bien aimé Bâle. Nous nous sommes promenés à Francfort-sur-le-Main, nous avons rejoint un groupe avec le guide. La seule chose que je n'ai pas aimée, c'est qu'au bord de la rivière, j’ai remarqué deux singes Hamadryas qui marchaient main dans la main. Quand ils sont jeunes ça peut être drôle, mais deux vieux pédés - beurk, c’est dégoûtant. (il poursuit toujours en russe)
- Oui, ils viennent parfois ici pour faire des manifestations, toute l'industrie des bourses est autour de ça. (je réponds en ukrainien)
- Qu’ils fassent ce qu’ils veulent, il ne faut pas nous imposer ces conneries, conclut Artem.
En fait, certains, et peut-être même certains de mes lecteurs, aspirent à être “très progressistes”, affichant des slogans LGBT, des avatars arc-en-ciel, recherchant le sexisme et la discrimination dans les petites choses, mais la grande majorité des Ukrainiens sont des conservateurs comme Artem.
- La France est un pays magnifique. Il y a beaucoup de parkings, des douches gratuites, mais c’est le pays le plus dangereux, il y a beaucoup de “Papous”!
Après, il raconte le cas quand il a été presque volé. La nuit, le plus souvent on vole à trois ou à quatre heures du matin. Il se réveille et entend un bruissement, du coup, il voit que la porte est ouverte et quelqu'un commence à fouiller dans la cabine. Il a dit quelque chose et le voleur a disparu. Il n'a même pas eu le temps de voler quelque chose, il a juste laissé tomber le pantalon d’Artem dans la rue. Puis, dans des cas pareils, il vaut mieux ne rien faire. Il y a généralement beaucoup de voleurs, il y a eu des cas où ils ont tué. Pourquoi l'héroïsme, si le camion et tous les biens sont assurés ?..
On parle beaucoup de voyages, de différents pays européens. Mais les voyages du conducteur routier ne sont pas la même chose que la conduite de sa propre voiture. En fait, il existe même un proverbe selon lequel on peut conduire dans toute l'Europe sur les Autobahns et ne rien voir. C'est pourquoi la liste des villes qu’Artem a vues n'est pas si longue - car les stationnements sont généralement éloignés des villes et il ne reste plus beaucoup de temps.
On parle aussi de l'Ukraine. Il va à Zaporizhzhya, parce qu'il est né là-bas. Il fait des soucis si nous sommes à l’heure pour le train, mais ça va - nous avons le temps.
Et tu mets ça aussi aux étrangers?, demande-t-il (toujours en russe) quand il y a un air du groupe “DakhaBrakha”.
Oui, bien sûr, ce groupe est d'ailleurs très populaire à l'étranger. C'est exactement ce qu'il faut faire écouter. Qu’est-ce qu’il faut leur mettre, “Vladimirskiy Central”? Et toi, qu'est-ce que tu écoutes?
Pourquoi as-tu pensé que j’écoutais une telle merde?, il a été un peu vexé.
Et puis, il trouve sa propre liste de lecture - il en branche, la musique électronique, en général, c'est normal, pas mal. Mais nous ne poursuivons pas plus loin ce sujet, on discute tout simplement.
Après Rivne et Gochtcha, où on a encore pris deux passagers, nous communiquons moins. Je réfléchis sur le fait que lorsque vous partez seul avec quelqu'un (et peu importe c’est qui, un homme ou une femme), la conversation est meilleure de celle quand d’autres passagers se trouvent dans la voiture.
Je m'arrête à la station-service WOG, où je prends un café et un sandwich. Artem a déjà trouvé une bouilloire chaude quelque part, puisque le pulvérisateur du lave-glace était gelé et la fenêtre était très sale. Il a fait un effort pour le réparer, malheureusement cela n'a pas aidé.
- Et voilà un Français, vas-y, frappe à sa fenêtre et parle avec lui.
Je vois vraiment qu'il y a une voiture à côté de la station-service - et là un Français dort en chemise brodée. Il dort avec la bouche ouverte. Quand nous sommes arrivés, il n'était pas encore là, alors il est arrivé quand je prenais un café. Il n'y a personne dans la voiture à part lui, on ne peut voir que la veste accrochée sur le côté. Je me demande s'il a mis deux jours ou combien de temps pour le voyage. Pendant 10 minutes que nous sommes restés là-bas, il ne s'est pas réveillé et bien sûr nous ne l'avons pas réveillé.
Je dépose tout le monde dans le métro Zhytomyrska. Je conduirais près de la gare, mais avec ce temps c’est plus rapide en métro. Le retour à Kyiv m’apporte presque toujours de la joie, un sentiment d'euphorie. Même quand je me suis absenté quelques jours. Peut-être que ce n'est pas si important où aller - l'essentiel est que ce soit agréable d’y retourner…